Recettes infaillibles pour ne pas être élus
Recettes infaillibles pour ne pas être élus
au conseil municipal d’un village imaginaire
Etre candidat à cette mandature demande, sinon du courage, au moins une bonne dose d’inconscience. Toute personne, ayant une certaine confiance et/ou conscience de la démocratie, est très bien placée pour réussir une très belle gamelle. Elle ne manquera pas de s’étaler harmonieusement dans les profondeurs du classement.
Avoir une bonne idée de ce qu’on souhaite entreprendre pour le bien du village est une attitude rédhibitoire qui garantira d’excellents classements en queue du palmarès et surtout si on s’est donné la peine de publier tout ou partie de ses intentions. Alors là, on peut espérer une bonne dernière place bien méritée.
Un autre bon moyen qui n’a donné que des satisfactions est de promouvoir une démocratie participative. Proposer que vos projets soient largement et publiquement débattus, solliciter par avance l’avis des populations sur ce que vous souhaitez entreprendre, voilà des idées fortes et novatrices qui vous garantissent une candidature couronnée d’échec. Ca ne rate jamais, vous pouvez y aller en toute confiance.
Une bonne campagne de communication, bien ciblée et bien organisée est également très recommandée pour tous ceux qui peuvent y consacrer un peu de temps. Faites-vous connaitre, rappelez vos antécédents au village, votre famille qui y a grandi, les bâtiments que vous avez restaurés, parfois sauvés, il n’y a rien de tel pour obtenir un franc ratage dont vous garderez un souvenir impérissable.
Le candidat, fort de sa présence dans la commune depuis des années, connu pour son aptitude à aider ses voisins et à intervenir en cas d’incident ou d’accident verra à coup sûr de nouveaux arrivants parfaitement inconnus le doubler aisément sur la ligne d’arrivée. En effet toute personne suspecte de compétences, de connaissance des affaires de la commune et de son environnement, part avec la rassurante certitude de se vautrer pesamment dès la moitié du dépouillement.
Si, en plus, vous parlez et écrivez à peu près correctement le Français, si vous êtes capable de lire un document où il n’y a même pas d’images, si vous faites moins de 3 fautes d’orthographe par ligne et surtout si ça se sait parce que vous n’en avez pas honte , alors là c’est la gagne assurée , la toile intégrale, la gigantesque et mémorable panouille, la Bérézina intégrale.
On obtient d’ailleurs un résultat identique en ne faisant rien du tout.
On frise le surréalisme, on s’approche de la théorie des pompes Shaddoks avec lesquelles, quand on pompait, il ne se passait rien mais plus on pompait et plus il ne se passait rien. En un mot : la certitude du ratage.
J’en vois qui s’interrogent: Mais alors qui sont ces malheureux qui arrivent quand même à sortir des urnes avec les voix qu’il faut pour être élus ? Grave et épineuse question !
Nous venons de démontrer que compétents ou non, actifs ou passifs, connus et motivés ou non, en faisant trop ou pas assez, tous, je dis bien tous, tombaient au final dans le GOULP qui était un trou où on jetait les Shaddoks n’ayant pas donné entière satisfaction.
En fait à partir du moment où vous êtes candidat, démocratiquement, vous êtes sauf (très) rares exceptions qui confirment la règle, certains de vous planter. La candidature libre est une maladie électoralement transmissible (MET) dont les tenants de l’élection jouée à l’avance se protègent comme d’un Sida républicain.
Pour y parvenir il y a plusieurs sortes de préservatifs qui peuvent être utilisés seul ou en combinaison.
Le premier est la liste ouverte de candidats où l’on classe adroitement les importuns à la queue, sachant que seuls les premiers ont une chance de passer. On laisse espérér aux naïfs un classement Alphabétique ou aléatoire mais quand on voit arriver le bulletin c’est tout autre chose qu’on constate.
Le second est de ne pas dévoiler comment fonctionne le piège et de laisser les électeurs glisser dans l’urne des bulletins sans qu’ils sachent réellement pour qui ils votent. Imparable. Si un innocent essaye d’informer le corps électoral, on lacère les affiches où il tente d’expliquer la ruse. Et on le vilipende sur des lettres à l’en-tête de la mairie où on donne en plus les consignes de vote pour favoriser les têtes de liste. C’est bien sûr interdit mais on ne va pas se priver d’un petit plaisir.
Tout cela n’étant rien à côté du troisième : Le réseau, le travail de fond dans le corps électoral qui procure une base de votes guidés et assurés, de l’ordre de 35 à 40% des inscrits, qui rend tout candidat non adoubé, certain de ne jamais sortir des urnes. Cela permet aussi l’élection des candidats les plus incroyables avec des scores inattendus.
Le dépouillement par des candidats pré-retenus eux-mêmes est une dernière cartouche qui pourrait le cas échéant compenser des résultats qui auraient contournés les choix du réseau.
La lecture des résultats des élections municipales est très édifiante sur ces sujets.
Pourquoi, alors que l’on sait ce qui se passe, s’obstiner quand même à se présenter à ces élections pour rire ? Encore une bonne question à laquelle la seule réponse est : Pour porter témoignage de cette situation inadmissible dans un pays démocratique. Sauf pour les nostalgiques des élections à la soviétique qu’on voit encore sévir de nos jours en Crimée.
Toute ressemblance avec un village existant de votre connaissance ne serait qu’une pure coïncidence
Jean-Pierre Nicod 24 mars 2014